Les contours d’un montage débile contre l’Honorable Didace Kiganahe

78914Tout commence par la radio Isanganiro captée à Bujumbura le 19 novembre 2016. Au cours de ses éditions de la soirée, le porte-parole de la Police Nationale du Burundi annonce que l’Honorable Didace Kiganahe est fraîchement impliqué dans une affaire de viol sur mineure. Selon cette source, les faits se sont déroulés dans un hôtel de Kajaga contre une fille de 16 ans et jusque-là vierge!

La nouvelle fait l’effet d’une bombe au Burundi avant de se répandre comme une traînée de poudre dans le monde entier grâce aux réseaux sociaux. L’importance de ce scoop réside dans le fait que la personnalité incriminée est un juriste de renom national, professeur d’Université, ancien ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Vice-président en exercice de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR).

Peut-on aujourd’hui conclure qu’il s’agissait justement d’un viol sur mineure perpétré par l’Honorable Didace Kiganahe ou si c’était tout simplement d’un montage de plus, concocté par le pouvoir Nkurunziza contre ce Commissaire de la CVR?

Quatre mois après, la vérité tombe et montre qu’il s’agit bel et bien d’une fausse information aux visées politiciennes, en vue d’encourager un lynchage physique de l’Honorable Didace Kiganahe. Mais comment s’est déroulé précisément ce montage, quels étaient ses mobiles, ses auteurs et ses metteurs en scène?

Ce qui va par ailleurs inquiéter beaucoup d’auditeurs de la radio Isanganiro, l’information n’est pas équilibrée, plus grave encore, elle est diffusée à la hâte sans apporter plus de précisions pour étayer la bonne foi, le professionnalisme et la neutralité de cette station dans ce dossier.

Dans cette confusion, personne ne peut encore garantir la véracité de ce scoop très controversé, surtout que les montages juridico-médiatiques restent une recette préférée du Pouvoir Nkurunziza depuis le congrès extraordinaire du CNDD-FDD, tenu à Ngozi le 7 février 2007.

Un autre fait inhabituel dans ce scoop, c’est la première fois que la Police incrimine sérieusement de manière brutale et sèche, un dignitaire de la République encore aux affaires et aux dimensions de l’Honorable Didace Kiganahe.

Aujourd’hui les langues se délient et nous sommes en mesure de répondre à cette panoplie d’interrogations. En effet, ce montage grotesque commence avec l’arrivée de la fameuse vierge de 16 ans à l’hôtel de Kajaga, sur la route de Gatumba. Elle est accompagnée de trois autres personnes. L’horloge de la réception de l’hôtel annonce qu’il est 14 heures. Après avoir pris une chambre, la fille téléphone à la police pour solliciter une intervention rapide parce qu’elle vient de subir un viol méchant de la part de l’Honorable Didace Kiganahe, d’après ses déclarations! Sans tarder, les premiers éléments de la Police débarquent sur les lieux. Ils procèdent directement à l’interrogatoire de la fille qui décline aussitôt son identité complète, avant d’insister sur sa virginité brisée. Curieusement, l’auteur présumé de ce viol n’est pas à l’hôtel, personne ne l’a vu à cet endroit du crime supposé!

Deux jours après ce montage innommable, les documents consultés à l’état-civil attestent que la fillette de 16 ans avait plutôt 20 ans révolus! Ce qui signifie qu’elle avait déjà dépassé de deux ans l’âge de la majorité civile au Burundi, fixée légalement à 18 ans! Elle était donc majeure!

Aussi, d’autres enquêtes menées sur cette fille concluent que c’est une fille-mère, avec deux enfants dont l’ainé est né en 2012! Pis encore, l’expertise médicale établit dans la foulée de ce prétendu viol, approuvera que cette femme n’ait pas connu des relations sexuelles au cours de ces derniers jours! Conclusion?

L’histoire de ce viol n’est qu’un pur montage inventé de toutes pièces afin de jeter de l’opprobre sur la personne de l’Honorable Didace Kiganahe!

Malgré ces vérités vérifiées et vérifiables, les auteurs de ce montage ne vont pas désarmer pour autant. Ils vont plutôt redoubler d’ardeur pour en découdre définitivement avec l’Honorable Didace Kiganahe par tous les moyens! Cela va se matérialiser par la publication sur les réseaux sociaux d’une photo d’une petite fille réellement mineure recherchée pour les besoins de la cause et présentée comme la victime de ce pseudo viol.

Une stratégie désespérée d’enfoncer les clous en manipulant davantage l’opinion sur cette affaire et obtenir par coup, le lynchage moral à l’échelle mondiale de ce présumé violeur. Pendant ce temps, le site http://www.burundidirect.news proche du pouvoir Nkurunziza lance un appel à l’assassinat de l’Honorable Didace Kiganahe, en demandant ouvertement aux Imbonerakure de remplir cette sale besogne : “mwa mbonerakure mwese, uwumubona amurase.”

Dans l’optique d’exécuter cet ordre macabre, une personne qui conduisait une voiture que l’Honorable Didace Kiganahe venait de vendre a été suivie et interceptée à Kiriri par un escadron de la mort, composé par trois hommes armés qui croyaient attraper finalement ce condamné à la peine capitale par ce site proche du pouvoir Nkurunziza!

C’est par la grâce de Dieu que ce malheureux innocent n’a pas été exécuté sur le champ. Il sera miraculeusement libéré, avant de repartir en toute vitesse, sans comprendre ce qui lui arrivait! C’est à ce niveau que l’implication dans ce montage du Parti CNDD-FDD commence à se confirmer.

En effet, il ne sortira aucune communication pour s’inscrire en faux contre l’appel au meurtre de l’Honorable Didace Kiganahe, lancé aux Imbonerakure par le sinistre site, alors que ces Imbonerakure sont connus officiellement comme étant la jeunesse du Parti CNDD-FDD, un mouvement intégré à ce parti. Aussi, la fille réellement mineure dont la photo était notamment publiée sur les réseaux sociaux sera vite identifiée comme une ressortissante de Karuzi, à 170 km au Nord de Bujumbura, une province qui a vu naître et grandir l’une des Commissaires à la CVR, personnalité très influente dans le système politico-judiciaire du CNDD-FDD. Cette dernière s’est toujours activée pour obtenir la démission de l’Honorable Didace Kiganahe au sein de la CVR.

Ainsi, en mai 2016, la permanence nationale du CNDD-FDD a organisé une réunion d’évaluation sur l’état d’avancement des travaux de la CVR. Au cours de cette réunion, un élu du Parti au Pouvoir et très proche de cette Commissaire à la CVR originaire de la province Karuzi, dira que l’Honorable Didace Kiganahe milite dans un Parti de l’Opposition radicale, hostile au CNDD-FDD et qu’il n’aide en aucune manière “le système” au Pouvoir au Burundi.

Cela est marqué en noir et blanc dans le rapport sorti à l’issue de cette réunion et dont nous avons eu une copie! Déjà, au niveau de la Police, les preuves accablantes et irréfutables attestant la réalité de ce montage grotesque étaient réunies, avant d’être remises au Porte-parole de la Police, Pierre Nkurikiye, avant également de l’inviter à rectifier ses déclarations mensongères sur la voie des ondes, précisément sur les antennes de la radio Isanganiro.

Il ne changera pas sa position contrairement aux dispositions de la loi, alors que même ses supérieurs étaient depuis informés de toute la vérité sur cette affaire politico-judiciaire! Pourtant, les conclusions de l’Officier de la Police Judiciaire qui avait instruit ce dossier confirmaient clairement la thèse de montage, avant d’innocenter l’Honorable Didace Kiganahe.

Ce qui fait que le dossier transmis au parquet ne notait aucune infraction à charge de l’Honorable Didace Kiganahe. Paradoxalement, contre toute règle de procédure, le parquet a tenu à demander l’avis de la permanence nationale du Parti au Pouvoir, le CNDD-FDD. Cette dernière a finalement ordonné de “poursuivre le dossier jusqu’au bout,” ce qui devrait aboutir à l’arrestation, à l’emprisonnement et à la condamnation abusive de l’Honorable Didace Kiganahe, une victime sur commande!

“Poursuivre le dossier jusqu’au bout”

C’est ainsi qu’il a été proposé de remanier l’équipe des Commissaires de la CVR en y excluant bien évidemment l’Honorable Didace Kiganahe. Malheureusement pour ces cadres du CNDD-FDD, il a été constaté que les Commissaires à la CVR sont des mandataires et par conséquent, la loi ne prévoit leur retrait qu’en cas d’indisponibilité d’un membre par démission volontaire ou forcée suite à une faute grave.

C’est à ce moment que cette stratégie de montage fut intensifiée avec une participation active de l’une des Commissaires à la CVR en vue de pousser l’Honorable Didace Kiganahe à la démission. Résultat? La montagne a accouché d’une souris. C’est ainsi que lorsque ce dossier a atterri au bureau du Procureur Général de la République, le 25 novembre 2016, ce dernier a tenu à solliciter l’avis de la permanence nationale du Parti CNDD-FDD!

De là, le Procureur Général de la République a reçu l’instruction ferme “de poursuivre le dossier jusqu’au bout!” Pour rappel, l’Honorable Didace Kiganahe était Ministre de la Justice entre 2003 et 2005.

A cet effet, il restera dans l’Histoire comme l’un des rédacteurs de la Constitution actuelle du Burundi et c’est bien lui qui l’a farouchement défendu devant le Parlement. Lorsque le gouvernement Pierre Nkurunziza et les Nations-Unies ont organisé le 27 mai 2013 un deuxième round de la conférence des Chefs des Partis politiques sur la feuille de route en rapport avec les élections de 2015, à Kayanza, le Gouvernement l’avait sollicité comme l’un des conférenciers-clés.

Les débats ont alors tourné autour de l’interprétation des articles 96 et 302 de la Constitution et l’éventuelle candidature de Pierre Nkurunziza au troisième mandat présidentiel. A la question posée par le président du MSD, Alexis Sinduhije, lors de ces assises, sur l’interprétation à donner à l’article 96 de la Constitution, l’Honorable Didace Kiganahe avait répondu que devant une lecture controversée d’une disposition légale, il était conseillé de s’adresser à l’autorité judiciaire compétente, la Cour Constitutionnelle pour ce cas d’espèce.

A cette époque, le pouvoir CNDD-FDD satisfait de la prestation et de l’expérience de l’Honorable Didace Kiganahe l’avait alors identifié comme l’un des appuis solides potentiels au prochain troisième mandat, déjà base de tous les débats passionnés et houleux. Il était ainsi attendu que dans le prolongement de la dynamique de cette réunion tenue à Kayanza, sous le haut patronage des Nations-Unies et du gouvernement Pierre Nkurunziza, l’Honorable Didace Kiganahe devrait continuer à appuyer la thèse de la légalité du troisième mandat, à travers ses interventions publiques et conférences!

Le Pouvoir CNDD-FDD l’espérait ainsi, même s’il n’y avait pas d’accord exprès de la part de l’Honorable Didace Kiganahe. C’est sans doute pour cela que dans sa note au Président de la République, le Général Godefroid NIYOMBARE, alors patron du Service National de Renseignement (SNR), parlait de KIGANAHE comme un des experts-conseil pour le troisième mandat. En contrepartie, il lui était promis une position très juteuse « équivalent à trois fois le salaire d’un député » comme membre de la CVR.
Même si le Général, entremetteur est depuis lors décédé et ne peut plus en rendre compte, l’Honorable Pie Ntavyohanyuma, alors Président de l’Assemblée Nationale se souviendra que les instructions pour retenir la candidature de l’Honorable Didace Kiganahe lui ont été envoyées six mois avant que les autres candidats ne postulent!

Un mauvais pion pour faire des compromis

Par ailleurs, le Parti CNDD-FDD spéculait certainement qu’une fois membre de la CVR, la mission de l’Honorable Didace Kiganahe consisterait à suivre les consignes de ce Parti à travers une étroite collaboration avec la représentante du CNDD-FDD et de ne pas prendre des positions contraires aux intérêts de cette formation politique au pouvoir, en ne s’opposant pas notamment à la condamnation de la Belgique à laquelle il est pourtant si lié.

Deux ans après ce supposé et hypothétique “deal” où l’Honorable Didace Kiganahe n’avait pris aucun engagement réel, force est de constater que le Pouvoir CNDD-FDD n’a rien reçu de ce qu’il espérait! Aucune sortie publique et aucun écrit n’ont été faits pour appuyer ce troisième mandat éventuel par l’Honorable Didace Kiganahe.

D’ailleurs, son statut de Commissaire à la CVR l’interdisait de s’immiscer dans ce débat qui avait pris des allures plus politiques que juridiques. Aurait-on vu dans cette attitude une forme de trahison qu’il allait mâter par cette humiliation et par cet appel, à l’assassinat de l’Honorable Didace Kiganahe?

Dans les prochains jours, des compléments d’enquêtes vont nous aider à avoir de plus amples éclairages sur ce montage débile qui aura finalement produit l’effet d’une tempête dans un verre d’eau. Mais pour l’instant, l’Honorable Didace Kiganahe aura failli allonger la liste des victimes innocentes de cette crise stupide et inutile liée à ce troisième mandat de tous les malheurs, déclenchée volontairement par Pierre Nkurunziza et ses acolytes.

En tout cas, il n’y a aucun juriste de carrière académique qui pourrait soutenir la portée scientifique de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle sur le troisième mandat de Pierre Nkurunziza. A l’intérieur même de la CVR, tous les Commissaires se rappellent de la tension perceptible lors des réunions plénières au cours desquelles l’Honorable Didace Kiganahe s’opposait systématiquement à la représentante du CNDD-FDD, chaque fois qu’elle tentait d’imposer les instructions obtenues de son Parti, au détriment des principes sacro-saints d’indépendance et de neutralité de la CVR.

Certainement, le Pouvoir CNDD-FDD aura misé sur un mauvais pion pour faire des compromis politiciens sur des principes constitutionnels. En réalité, l’Honorable Didace Kiganahe est finalement victime de son intransigeance avec les principes et son refus de la corruption par le Pouvoir Nkurunziza même si rien n’est encore connu avec certitude à ce niveau!

18 mars 2017, Burundi Intwari

6 commentaires sur “Les contours d’un montage débile contre l’Honorable Didace Kiganahe

  1. Pour un récepteur objectif de cette information livrée justement il y a quelques mois, il apparaissait nettement que c’était un montage. En effet, certains faits pouvaient le démontrer:
    Comment expliquer l’affirmation aussi rapide et précipitée du porte-parole de la police incriminant cette personnalité alors que cela relève du juge uniquement? A part que la police n’en avait pas les compétences, dans d’autres cas on parle toujours d’enquêtes interminables « amatohoza adahera » sur des dossiers à classer sans suite. C’était donc visiblement un dossier fabriqué sur commande.

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  2. Cet article n’est pas vrai pour ce qui est de l’implication du pouvoir et des mandats. Hon. Kiganahe n’a jamais eu des préoccupations avec le pouvoir. On partageait de temps en temps la bière dans notre bar préféré de kabondo. Je peux affirmer tout simplement que le viol n’a pas eu lieu. Mais engager le pouvoir dans la destabilisation de Kiganahe, je pense pas

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    • personnellement, je n’ai jamais cru un instant que Me KIGANAHE ait commis ce crime.
      Sa réhabilitation officielle est plus que souhaitable. Et c’est le minimum. Ce serait lui rendre justice car à ma connaissance, lui aussi a aidé bq de gens dans la nécessité.

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  3. Emwe, muzi vyinshi!!! On dirait le véritable détenteur de tous les dossiers. Les Burundais devraient tous se ressaisir car nous perdons trop de temps dans les mensonges, les manipulations contre les autres. Pauvres etres humains!

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